mercredi 5 décembre 2012

chômage et transition

Ah...
Voilà un sujet d'une telle importance qu'il mérite qu'on propose mieux que des recettes de grand-mère (expulser les immigrés, interdire aux immigrés de travailler, limiter l'accès des femmes à la vie professionnelle...).
Comment réduire le chômage quand on se sait dans une économie dont la croissance du PIB sera durablement quasi-nulle ?

D'abord un coup d'oeil dans le rétroviseur :
La consommation mondiale d'énergie et le PIB mondiale sont parfaitement corrélés depuis 50 ans. Donc la variation future du PIB mondiale ne dépend en première approximation que de la variation de la quantité d'énergie disponible à consommer.
PIB mondial en milliards de dollars constants de 2011 (axe vertical) en fonction de la consommation d'énergie mondiale en millions de tonnes équivalent pétrole (axe horizontal), pour les années 1965 à 2011. La corrélation entre les deux grandeurs apparaît clairement.
Compilation JM.Jancovici sur sources primaires BP statistical review, 2012, Shilling et al. 1977, EIA, 2012, et Banque Mondiale (PIB), 2012.

La physique impose que les ressources d'énergie fossiles sont finies, et elles se renouvellent bien plus lentement que la vitesse à laquelle nous les consommons actuellement. Depuis 1980 nous consommons plus de petrole que nous n'en découvrons.

Les pics de production (de pétrole, de gaz, plus lointain, de charbon) sont donc inévitables, et à priori le pic pétrolier est en cours.

Nous pouvons donc considérer que d'ici peu, la production et la consommation d'énergie fossile vont diminuer de manière durable, et que le PIB mondial fera de même.

Ceci étant dit, l'économiste Arthur Okun a proposé en 1962 une relation linéaire empirique entre le taux de variation du PIB et la variation du taux de chômage.
Croissance du PIB et évolution annuelle du taux de chômage en France entre 1970 et 1989, et entre 1990 et 2007.

Vu autrement, c'est moins clair,
mais de là viennent des affirmations comme celles-ci : pour créer des emplois, le PIB français doit croître d'au moins 1,5%. Et pour faire baisser le chômage, c'est-à-dire créer suffisamment d'emplois pour absorber la croissance de la population active, la croissance doit atteindre au moins 1,8%.
Même imparfaite, la corrélation entre taux de croissance du PIB et variation du taux de chômage existe, et la période de stagnation (ou lente décroissance) du PIB qui est devant nous peut donc légitimement faire craindre une montée du chômage.
Sans le sous-estimer, ce risque ne doit pas nous effrayer. La longue période de transition qui est devant nous s'annonce même comme un défi enthousiasmant.

Le renchérissement du prix des importations (par des taxes d'importations européennes intelligentes) et l'augmentation continue du prix des énergies fossiles (non par les variations ératiques du cours du baril, mais par l'augmentation continue de la taxe carbone) changera l'environnement économique de l'Europe.
En premier lieu, cela rendra plus rentable l'isolation thermiques des logements les moins efficaces énergétiquement, et la construction de logements nouveaux plus économes (voire à énergie positive). Rénover thermiquement les logements anciens est un chantier s'étalant sur plusieurs dizaines d'années.
Les priorités de la transition écologiques devront être :
1) remplacer le chauffage au gaz et au fioul par de l’isolation efficace, des pompes à chaleur, de la biomasse.
2) limiter les émissions de CO2 des industries (on voit qu'il faudra également taxer le contenu en CO2 des produits importés depuis des pays n'ayant pas implémenté de taxe carbone, afin de dissuader la fuite des industries émettrices de CO2 vers ces pays : c'est ce que je proposais ici).
3) diminuer très rapidement la consommation des véhicules (donc leurs poids et leur puissance).

En second lieu, cela contribura à relocaliser la production. La raréfaction et le renchérissement de l'énergie (et du pétrole en premier lieu) rapprochera les activités de production de leur lieu de consommation, et cela permettra aussi de préserver notre qualité de vie et nos échanges humains, et de réhabiter nos territoires.

Enfin, cela donnera de la valeur au travail humain, actuellement pénalisé par le fait que nous ne payons pas l'énergie (qui peut remplacer beaucoup de travail humain) à son 'juste' prix.

Le plan évoqué ci-dessus (rénovation et isolation de logements, décarbonation des industries, développement de véhicules moins émissifs, mais aussi relocalisation des production, dont la production d'énergie) demande des investissements lourds.
Les recettes de la taxe carbone pourront y être dédiées mais ne seront pas suffisantes.
On peut également imaginer un plan européen pour financer la transition écologique : la BCE avancerait des fonds à des banques d'investissement publiques spécialement créées pour piloter la transition.
Autre piste : mobiliser l'épargne, par exemple en émettant des obligations européennes à long terme dont les fonds seront dédiés aux projets de transition écologique.

Pour en revenir au sujet de départ (le chômage) et aux recettes de grand-mère, l'indemnisation des chômeurs est un sujet piège. La réduction drastique du montant ou de la durée de ces indemnisations ne suffira probablement pas à faire baisser le taux de chômage, mais fera très certainement augmenter le taux de pauvreté et le niveau de bien-être général. Parallèlement à la mise en oeuvre progressive de l'Allocation Universelle, je propose de diminuer d'autant les indemnisations chômage. Un travail de concertation européen doit également être mené afin d'évaluer l'efficacité des dispositifs très variés d'indemnisation des chômeurs, pour aller vers un système harmonisé et efficace.

Les organismes d'assurance maladie étant chroniquement déficitaires et les années à venir s'annonçant difficile tant sur le front du chômage que sur celui des finances publiques, il convient de trouver un système d'indemnisation des chômeurs équilibré. On sait que l'Etat dépense de l'ordre de 1,15 SMIC brut par chômeur (dont presque 0,65 SMIC brut par chômeur en dépenses pour maintenir et soutenir le revenu en cas de perte d'emploi).

La Cour des Comptes vient de rendre un rapport sur l'efficacité des politiques qui visent à faire mieux fonctionner le marché du travail, et qui représentent plus de 50 milliards de dépenses par an.

Il me parait important d'aller vers une harmonisation des systèmes européens, et pour ne pas faire augmenter le taux de pauvreté et le bien-être général, c'est d'abord aux indemnités des chômeurs ayant eu les plus hauts salaires qu'il faut s'attaquer.
C'est sur ce plan en particulier que notre système est beaucoup plus généreux que les autres pays d'Europe :
Les chômeurs ayant eu les plus hauts salaires ont plus de chances que les autres d'avoir une bonne formation, des diplômes et une expérience valorisables sur le marché du travail, des réseaux leur permettant de rebondir.

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