vendredi 24 juillet 2015

uchronie : le France de 1975 décide de figer son PIB/habitant

Après avoir développé les notions de PIB humain et énergétique, j'ai étudié précédemment des scenarii de prospective et conclu que nous pouvions tenter d'améliorer plus vite l'efficacité énergétique du PIB énergétique, mais que nous devions surtout nous préparer à une stagnation ou une diminution du PIB, car la raréfaction des énergies fossiles et les indispensables mesures de réduction des nos émissions de gaz à effet de serre va nous y conduire.

Si l'on regarde maintenant notre passé : suites aux chocs pétroliers des années 70, nous avons fait des efforts pour réduire l'intensité énergétique national :

Durant la même décennie, l'intensité en CO2 diminue elle aussi fortement :
A noter que le développement industriel du programme nucléaire civil français (énergie décarbonée) ne joue qu'un faible rôle dans cette diminution au vu de sa place dans le mix de la consommation énergétique nationale.

Ces éléments donnent que les émissions de CO2 ont atteint en France leur maximum en 1979 :

Imaginons maintenant qu'en 1975, inspirés par les rapports du Club de Rome et instruits par le premier choc pétrolier, nous ayons fait le choix de maintenir le niveau de PIB par habitant à un niveau fixe, tout en réalisant les mêmes efforts de réduction d'intensité énergétique (i.e. amélioration de l'efficacité énergétique du PIB énergétique) et d'intensité en CO2.

Faisons l'hypothèse que la répartition entre PIB humain et énergétique soit restée identique à celle de 1975, et étudions l'impact sur ces 2 composantes.

1) en 2010 en France, le temps de travail moyen par actif non chômeur était de 34.7h/semaine. Une distribution équitable des heures travaillés entre tous les actifs (y compris les chômeurs) donnerait une durée hebdomadaire de travail de 31.5h, soit une baisse de 9% : c'est ce que j'appelle le "scenario historique réparti" ci-dessous. Si l'on avait fait le choix de maintenir le niveau de PIB par habitant au niveau de 1975 tout en distribuant le travail équitablement, on pourrait travailler moins de 29h par semaine, soit une réduction du temps de travail moyen de 17% :

2) on a vu plus tôt que l'efficacité énergétique du PIB énergétique a connu une croissance annuelle de 1.53% depuis 1973. Si l'on avait fait le choix de maintenir le niveau de PIB par habitant au niveau de 1975 tout en obtenant la même croissance de l'efficacité énergétique du PIB énergétique, nos émissions de CO2 seraient actuellement 40% moins élevées :

On peut se donner des objectifs ambitieux de réduction des émissions des gaz à effet de serre. On peut se donner des objectifs ambitieux de réduction de notre dépendance aux énergies fossiles. Mais pour être honnête et moins politiquement correct, ne devrions-nous pas nous donner des objectifs de limitation du PIB/habitant ? (ou d'encadrement de la croissance du PIB par la croissance de la population)
Cela revient à figer le terme PIB/POP de l'équation de Kaya, pour se concentrer au plus tôt sur la diminution de l'intensité énergétique de l'économie et du contenu en CO2 de l'énergie : décarboner l'économie.

jeudi 23 juillet 2015

composantes du PIB : homme, cheval, énergie

Précédemment sur ce blog, j'ai développé la notion de PIB humain et PIB énergétique. Cela reposait sur l'équivalence entre l'énergie stockée dans les combustibles fossiles et l'énergie restituée par l'effort physique d'un homme en bonne santé. Manicore a développé à ce propos la notion d'esclave énergétique, démontrant avec pédagogie que l'énergie fossile bon marché met à notre disposition un nombre d'esclaves virtuels que nous ancêtres n'auraient pas pu imaginer :
Mes conclusions précédentes montraient que la part humaine du PIB a fortement diminué depuis 1945 pour devenir très faible aujourd'hui, inférieure à 1%, le PIB humain restant lui relativement stable :

Si l'on remonte plus loin dans le passé, l'énergie fossile occupait une place moins importante et une partie de travaux agricoles étaient réalisés par des chevaux de trait, dont le nombre a ensuite radicalement diminué.

L’utilisation des chevaux de trait en tant qu’outil de traction a toujours existé.
Au début du 19ème siècle, il y avait 3 millions de chevaux de trait en France. De la fin du 19ème siècle à 1945, le cheptel chevalin français comptait deux millions et demi de têtes. Depuis 1950, ce cheptel a été considérablement réduit, la mécanisation, le faible prix des carburants et l’augmentation de la taille des exploitations dans une volonté de productivisme, ayant eu des répercussions irréversibles sur la traction hippomobile. En 1990, on ne recensait que 200 000 chevaux de trait et de mules, surtout utilisés pour la production de viande. En 2004, seulement 110 00 chevaux en France.

Plusieurs sources permettent d'établir des équivalences entre le travail mécanique assuré par un cheval de trait et celui assuré par l'homme ou le tracteur.

A titre d'exemples :
Le cheval de trait n’est pas aussi performant que les engins mécaniques mais sa force de traction est malgré tout considérable : il peut fournir un effort d’une valeur égale à son poids (près d’une tonne) pendant 15 secondes.
Le cheval a un rendement énergétique de 20% à comparer aux 6% du tracteur.
Un cheval de 800kg rend disponibles 36 mégajoules/jour en traction, soit 10kWh mécanique disponible, en 10 heures de travail intensives. 
Ou encore, par l'indispensable Manicore: un être humain au travail restitue 0,05 à 0,5 kWh d'énergie mécanique par jour ; un tracteur de 70 kW développe la même puissance que 100 chevaux, ou 1000 hommes.

Une fois établie une formule de conversion entre les heures de travail humain, les heures de travail équin, et la consommation d'énergie, étant données les séries longues de la population active (hommes et chevaux), de la consommation d'énergie primaire et du PIB national, on peut découper le PIB entre ces 3 composantes :

A nouveau, pour garder visibles les parts humaine et équine du PIB tout en visualisant l'explosion du PIB national, on doit avoir recours à l'échelle logarithmique :
Manicore estime que chaque Français a l'équivalent de 400 à 500 esclaves à sa disposition 24 heures sur 24.
Si on considère qu'en 1820 chaque français consommait 20GJ de biomasse par an pour usage thermique, et que chacun des 3 millions de chevaux fournissait l'énergie mécanique équivalente à celle de 10 hommes, nos ancêtres du début du 19ème siècle avaient chacun moins de 10 esclaves à sa disposition.

La raréfaction et le renchérissement des énergies fossiles, voire les mesures responsables que nous devrions prendre pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre, peuvent-elles faire revenir la traction animale à l'ordre du jour ??